Relever les défis de la mise en application du multisports par le biais de la recherche

Pourquoi les jeunes athlètes canadiens sont-ils moins intéressés à essayer différents sports qu’ils l’étaient il y a dix ans? Qu’est-ce qui a causé ce changement? Peut-on revenir en arrière?

Ce sont les questions que se pose Alyssa Cox, entraîneure en chef de l’équipe de basketball universitaire des Winnipeg Wesmen et chercheuse universitaire dans le domaine du multisports. Récemment, Alyssa, accompagnée de deux spécialistes du sport de qualité, Christian Hrab et Richard Sylvester, a pris part à un webinaire de Le sport c’est pour la vie intitulé « Multisports : les gens qui pratiquent plus d’un sport nagent-ils à contre-courant? », durant lequel elle a fait part des résultats de ses recherches avec un groupe de professionnels du sport de partout à travers le pays.

« Mon projet, qui s’intitulait Échantillonner ou se spécialiser?, avait comme objectif de découvrir le point de vue des entraîneurs au sujet de l’échantillonnage et de la spécialisation. J’ai donc observé leurs pratiques et la manière dont ils faisaient face à ces problèmes tout en considérant les études existantes qui exposent les dangers de la spécialisation en bas âge, tels que les lésions causées par le surentraînement et l’épuisement (« burn out »). En tant qu’entraîneure et éducatrice, j’ai trouvé tout cela très troublant », explique-t-elle.

Alyssa, entraîneure chevronnée autant au niveau secondaire scolaire qu’au niveau provincial, travaille maintenant comme entraîneure en chef de l’équipe de basketball féminin de l’université de Winnipeg. Dans le cadre de ses fonctions, elle a constaté qu’un grand nombre de ses athlètes se considéraient comme spécialistes d’un seul sport, et elle a eu envie de comprendre la raison de ce changement culturel. Afin d’aborder le sujet, elle a mené des entrevues semi-structurées et distribué des questionnaires afin d’étudier les perceptions et les pratiques des entraîneurs de basketball pour les jeunes en lien avec la spécialisation de leurs athlètes. Elle souhaitait comprendre comment ils mettaient en application les recommandations du guide du Développement à long terme par le sport et l’activité physique (DLT) de Le sport c’est pour la vie. 

Au total, neuf entraîneurs ont pris part à cette étude (huit hommes et une femme). Ces derniers travaillent avec des athlètes rendus au stade « s’entraîner à s’entraîner » du modèle de DLT, soit des filles âgées de 11 à 15 ans et des garçons âgés de 12 à 16 ans. Les entraîneurs, qui étaient tous originaires de la région de Winnipeg, représentaient trois équipes masculines et six équipes féminines au total. 

Alyssa a été en mesure de synthétiser ses observations en cinq thèmes.

  1. Les athlètes devraient faire de l’échantillonnage

Tous les entraîneurs qui ont pris part au projet de recherche s’entendent pour dire que leurs athlètes devraient participer à d’autres sports, en plus de leur discipline principale. Ils ont aussi cité les nombreux bienfaits associés au multisports. Selon eux, l’échantillonnage sportif contribue au développement d’habiletés motrices et de manipulation propres au sport, des attributs essentiels à un athlète accompli. Ils croient aussi que les habiletés acquises grâce à la pratique d’autres sports sont utiles dans la discipline principale de l’athlète et aident à prévenir les blessures.

  1. Les athlètes en font trop 

D’après les entraîneurs, les athlètes s’entraînent beaucoup plus qu’avant. Comme il est possible de s’adonner à un seul sport à longueur d’année, les athlètes d’aujourd’hui se surmènent et ne prennent pas le temps de se reposer et de récupérer. Toutefois, les entraîneurs constatent que leurs athlètes ont tendance à aimer ce type d’entraînement intensif, même si cela signifie donner la priorité à différentes équipes et différents sports selon la période de l’année. Les entraîneurs ont aussi remarqué que les parents jouaient un rôle important dans la décision de leurs enfants de se spécialiser.

  1. Le système est défaillant

Plusieurs des entraîneurs impliqués dans cette étude attribuent la responsabilité des problèmes perçus au sein du système sportif et de la tendance vers la spécialisation à d’autres entités. Ils croient que d’autres sports, d’autres niveaux compétitifs, et d’autres contextes sportifs, tels que le sport scolaire, sont responsables d’encourager la spécialisation. Selon les entraîneurs, une meilleure collaboration entre les organisations sportives pourrait mener à la création d’un système plus cohésif qui reflèterait les valeurs du DLT. 

  1. Les entraîneurs préfèrent la formation pratique

Les entraîneurs qui ont pris part à cette étude avaient une compréhension limitée des méthodes d’application du guide du DLT. Ils avaient majoritairement acquis leurs connaissances lors de formations d’entraîneurs offertes par le Programme national de certification des entraîneurs (PNCE). Ils ont apprécié l’aspect pratique du cours, mais avaient besoin de soutien supplémentaire lorsque venait le temps de tout mettre en application. Ils ont aussi déclaré que dans l’ensemble, les entraîneurs suivent des cours formels seulement lorsque leur organisation l’impose.

  1. Les pratiques d’entraînement reflètent les croyances en matière de pratique sportive. 

Cette étude a démontré que les croyances des entraîneurs au sujet de la spécialisation et l’échantillonnage s’alignaient avec leurs pratiques. Les entraîneurs ont donné des exemples de la manière dont ils s’adaptaient aux échantillonneurs (p. ex. : modifier les plans d’entraînements), sans toutefois diminuer le niveau de leurs attentes en matière d’engagement, de communication, et de travail soutenu. De nombreux participants ont parlé avec enthousiasme de leur motivation innée pour l’entraînement et de leur passion pour le sport, des éléments moteurs qui lient les croyances et les valeurs des entraîneurs à leurs choix de mise en pratique dans le cadre de leur rôle. 

En général, Alyssa est d’avis que les résultats de l’étude pourraient mener à des changements systémiques.

« Même si les entraîneurs qui ont participé à cette étude croient que les athlètes devraient faire de l’échantillonnage et que la programmation devrait être flexible pour accommoder les athlètes qui pratiquent plusieurs sports, de nombreux athlètes continuent de se spécialiser et de se surentraîner. Les facteurs systémiques qui subsistent dans le système de sport jeunesse sont ce qui empêche les entraîneurs de mettre en application le modèle de DLT », explique-t-elle. 

« Ces résultats pourraient être appliqués aux formations d’entraîneurs, et pourraient être utiles aux organisateurs sportifs et aux corps dirigeants qui prennent des décisions au sujet des programmes qui ont un impact sur le développement de l’athlète ».

Pour Carolyn Trono, directrice du sport de qualité à Le sport c’est pour la vie, le message est clair : la spécialisation en bas âge n’est pas aussi bénéfique que le multisports.

« Le projet de recherche d’Alyssa Cox met en lumière les avantages et les défis associés à la mise en application d’une programmation multisports. Il est temps pour le système sportif d’étudier et d’aborder les problèmes soulevés par cette recherche afin de s’assurer que la programmation multisports et la participation à plus d’une discipline deviennent la norme, et non l’exception », dit-elle. 

« Cela participera à faire en sorte que le système sportif sorte de ses carcans traditionnels et s’ouvre à de nouveaux concepts, ce qui nous apparaît important. 

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