Pour l’amour du volleyball : rencontre avec Charles Cardinal

Charles Cardinal

Le Canada est reconnu à l’échelle internationale pour la qualité de ses outils en matière de Développement à long terme. En revanche, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que les entraîneurs et entraîneuses de tous les niveaux du système sportif canadien priorisent adéquatement la mise en œuvre de ce modèle, selon l’expert en planification et en périodisation, Charles Cardinal. Également l’un des auteurs du tout premier document phare intitulé Au Canada, le sport c’est pour la vie – Développement à long terme de l’athlète, Charles Cardinal, maintenant à la retraite, a consacré sa carrière à promouvoir le développement de tous les joueurs et joueuses dès leur plus jeune âge, plutôt que de chercher à former des équipes gagnantes. Par contre, selon lui, beaucoup de travail reste à accomplir avant d’atteindre cet idéal.

« Mon laboratoire a été le volleyball, et ce que j’ai appris, c’est que lorsqu’on souhaite faire changer la façon de faire des gens, la première chose à changer, c’est leur attitude. On peut bien avoir toutes les connaissances et les compétences nécessaires, tant qu’on ne focalisera pas l’attention sur la façon de développer les talents au lieu de se concentrer sur les victoires et les défaites, ces qualités seront peu utiles. Et c’est, encore en 2021, un point que nous travaillons à changer », a affirmé Charles Cardinal. 

« La façon dont on fonctionne à l’heure actuelle, c’est qu’on cherche à repérer des joueurs et joueuses âgés d’à peine 12 ans ayant le potentiel de faire partie d’une équipe nationale. Mais parmi ces personnes, combien y parviennent vraiment? Seulement entre trois et cinq pour cent. C’est incroyable! Ces chiffres illustrent qu’à ce stade de développement, on ne peut pas prédire avec précision qui réussira à 12, 16 ou 18 ans et jusqu’au niveau universitaire. »

Le problème, c’est que les jeunes entraîneurs et entraîneuses devraient travailler à développer un amour à long terme pour le sport, la santé et le bien-être, plutôt que de tenter de détecter des talents pour remporter des victoires. Cet écart est creusé par la façon dont les tournois et les parties se déroulent actuellement dans le système canadien : les entraîneurs donnent davantage de temps de terrain à leurs joueurs les plus talentueux, plutôt que de faire en sorte de donner à chacun l’occasion de jouer. Cette façon de faire va à l’encontre de l’objectif ultime de Charles Cardinal, qui est d’augmenter le plus possible le nombre de joueurs engagés et actifs pour la vie.

Un allié du Développement à long terme dans de nombreux sports

Charles Cardinal

Pendant sa longue carrière, au cours de laquelle il a été tour à tour joueur de volleyball pour l’Université d’Ottawa, entraîneur, professeur universitaire en éducation physique, spécialiste pour l’Association canadienne des entraîneurs et conférencier dans le monde entier, Charles Cardinal a lui-même constaté qu’on insiste trop sur la compétition. Il a par ailleurs été intronisé au Temple de la renommée de Volleyball Canada en 2002 et de Volleyball Québec en 2008. Il a également reçu, en 2005, le prix Geoff Gowan pour sa contribution à la formation des entraîneurs de volleyball et de divers sports axés sur le Développement à long terme.

L’une des réalisations professionnelles dont il est le plus fier, c’est d’être l’un des membres fondateurs du mouvement Au Canada, le sport c’est pour la vie, dirigé par Richard Way et soutenu par le travail visionnaire d’Istvan Balyi. Il a passé 12 ans à élaborer des modèles de Développement à long terme pour les fédérations sportives au pays et a vu le travail que fait Le sport c’est pour la vie être reconnu à l’échelle internationale. Par contre, il estime qu’au Canada, la mise en œuvre du modèle est lente comparativement à d’autres pays.

« Allez observer n’importe quelle pratique. Vous verrez que la seule chose sur laquelle se concentrent les entraîneurs, c’est de préparer l’équipe et l’athlète à la prochaine compétition, plutôt que d’utiliser ce temps de pratique pour accroître les compétences individuelles. Chaque athlète, peu m’importe qu’il joue pour l’équipe nationale, a des faiblesses. La question est de savoir combien de temps vous consacrez à les corriger », a-t-il expliqué.

« C’est comme entraîner un lanceur qui ne peut lancer que des balles rapides. Une fois qu’on atteint les niveaux supérieurs, on a tout intérêt à avoir un répertoire plus complet. Alors, si vous n’améliorez pas la prise de décisions stratégiques et les habiletés tactiques individuelles des athlètes avec lesquels vous travaillez, quel genre d’entraîneur êtes-vous? »

Selon Charles Cardinal, certains entraîneurs comprennent ce problème, mais le système n’est pas conçu de façon à reconnaître leurs efforts. D’ailleurs, lors des cérémonies de remise de prix, on réserve les éloges aux entraîneurs et entraîneuses qui ont eu du succès en compétition plutôt que de récompenser ceux et celles qui ont eu un impact positif sur le développement de leurs joueurs et joueuses. Il espère que cela changera dans le futur.

Gagner, un champion à la fois

Bien que Charles Cardinal soit maintenant à la retraite, le travail qu’il a accompli dans le système sportif canadien continue de porter fruit. Sylvie Béliveau, membre du conseil d’administration de Le sport c’est pour la vie, a travaillé en étroite collaboration avec lui pendant plusieurs années et a constaté que son approche particulière pour apporter des changements dans la planification et la périodisation dans le système sportif avait des effets sur la vie des joueurs, des entraîneurs et des administrateurs.

« Combien de personnes investissent du temps dans le sport en espérant en retirer quelque chose? Charles a été un mentor, un parrain. Il m’a souhaité la bienvenue, m’a partagé ses connaissances et m’a donné de son temps sans rien attendre en retour. Les résultats, en fait, sont bien là, mais sont invisibles. Ils se manifestent dans mon travail d’entraîneuse, de responsable du développement des entraîneurs et d’ambassadrice du Développement à long terme. Je ne peux qu’imaginer combien d’autres personnes sont comme moi dans le milieu », a-t-elle avancé.

« Quand j’étais confrontée à des obstacles par rapport aux changements que je voulais apporter, il me disait souvent : “Gagner, un champion à la fois”. C’est ce que j’ai fait et j’en ai récolté les fruits. Des phrases précieuses comme celle-là, j’en ai une quantité. Il a été un modèle par sa capacité à toucher et à influencer les gens, pour sa pédagogie dans sa façon de transmettre des messages clairs et pour son sens de l’humour. Pour moi, ce sont les qualités qui définissent l’art d’être un consultant, un professeur et un leader. »

Selon Tom Jones, directeur de l’équipe internationale et des partenariats de Le sport c’est pour la vie, qui a participé aux Jeux olympiques de 1984 en volleyball, Charles Cardinal s’est démarqué parmi d’autres spécialistes du sport. Tom Jones se souvient de son attitude positive et d’avoir senti toute la profondeur de sa vision.

« Charles est l’une des personnes les plus fascinantes et les plus attachantes du milieu sportif. Géant du volleyball canadien, il a participé, tout au long de sa carrière, à des activités au sein du Conseil d’administration national, au développement des athlètes, à l’entraînement et à la haute performance. Il a souvent accompagné les équipes nationales en tant que “chef de mission”, emportant avec lui son attitude chaleureuse, son intelligence et des encouragements pour toutes les personnes impliquées », s’est remémoré Tom Jones.

« Bien qu’il soit enseignant et mentor à part entière, c’est une personne qui cherche à échanger humblement avec les autres et à apprendre d’eux, ce qui fait en sorte que les gens se sentent valorisés et considérés. Et il le fait tout en partageant sa vaste expérience d’une façon qui le rend vraiment accessible et intéressant. Lors de notre participation aux Jeux olympiques de 1984, il a joué un rôle important en nous encourageant à croire en nous-mêmes et à toujours donner le meilleur de nous-mêmes. C’est un ami, un mentor et un collègue de volleyball extraordinaire. »

Charles Cardinal croit lui-même que son travail peut se résumer à quelques lignes assez simples : « En tant qu’entraîneur, ce n’est pas tant les connaissances que vous avez qui comptent, c’est la qualité de la relation que vous entretenez avec les gens. » 

Conseils à retenir de Charles Cardinal pour les entraîneurs et entraîneuses, et pour les spécialistes du développement des athlètes

Stade Apprendre à s’entraîner : accorder la priorité au développement des compétences de tous les joueurs, pas seulement des meilleurs.

Stade S’entraîner à s’entraîner : cibler les lacunes dans les compétences et les combler, en plus de mettre l’accent sur l’inclusion et le plaisir.

Champ Compétitif pour la vie du stade Vie active : accorder la priorité au plaisir et au bonheur de jouer, à l’esprit de camaraderie au sein de l’équipe.


*CORRECTION: Dans la publication originale de cet article, nous avons par erreur désigné Charles Cardinal comme Docteur. Bien que Charles ait occupé un poste de professeur à l’Université de Montréal pendant 26 ans et qu’il ait agi comme conseiller auprès de plus de 30 étudiants à la maîtrise, il n’a pas obtenu de doctorat. Nous nous excusons pour cette erreur.

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