Un programme d’intervention auprès de membres de gangs de Calgary outille les jeunes nouvellement arrivés au Canada grâce au sport de qualité et au mentorat

On ne saurait trop insister sur le poids énorme que peut avoir un bon entraîneur ou une bonne entraîneuse.

Selon Noël Bahliby, il est essentiel que les enfants aient un modèle positif dans leur vie pour favoriser leur sentiment de bien-être et leur estime de soi. En tant que directeur des programmes jeunesse de l’organisme Centre for Newcomers à Calgary, il sait qu’offrir à ces personnes tout juste arrivées au pays la possibilité de s’impliquer dans une équipe sportive de qualité et un enseignement individuel s’avèrent des moyens des plus efficaces pour favoriser un cheminement positif pendant leur période d’adaptation à leur pays d’accueil. 

C’est pourquoi l’organisme Centre for Newcomers offre le programme Real ME, lequel propose une approche pluridimensionnelle pour faire en sorte que les jeunes à risque demeurent engagés, en santé et à l’abri des influences négatives comme celle des gangs. Ce programme offre la chance de participer à des activités prosociales comme les sports récréatifs et de compétition, ce qui procure un accès aux organismes communautaires et offre des occasions de nouer des relations positives. Au cours des dernières années, l’arrivée de personnes immigrantes et réfugiées a grandement augmenté, ce qui a mené à des problèmes comme la surreprésentation des jeunes racisés dans les centres de détention. Par son programme, l’organisme tente de s’attaquer à ces problèmes systémiques au pays. 

« Dans le sport, on peut profiter de modèles positifs qui se préoccupent de nous et qui nous incitent à nous responsabiliser, et cela peut avoir une influence énorme sur les jeunes à risque parce que ces modèles sont pour eux et elles des personnes qui agissent de façon concrète et cohérente. Ces jeunes n’obtiennent pas vraiment ce genre de soutien ailleurs », a-t-il expliqué à la suite de sa présentation du programme Real ME lors du Sommet de Le sport c’est pour la vie 2023 à Calgary.

« Évidemment, les effets positifs peuvent être liés à une performance sportive, mais faire partie d’une grande équipe et d’une communauté peut être très gratifiant et peut contribuer à apporter un sentiment de paix mentale aux jeunes. »

Ce programme d’intervention est destiné aux jeunes immigrants et immigrantes de première et de deuxième génération qui présentent un risque élevé de se lier à un gang ou de mener des activités criminelles.

Ce programme valorise une approche Wraparound fondée sur l’identité. Une approche « Wraparound » est un terme utilisé dans le milieu du travail social et dont les fondements rejoignent ce proverbe africain selon lequel « il faut tout un village pour élever un enfant ». Depuis plusieurs années maintenant, l’organisme Centre for Newcomers dispose d’une liste d’attente pour le programme Real ME. Environ la moitié des participantes et des participants provient d’une école qui nous a recommandés, et l’autre moitié provient du système judiciaire.

« À l’heure actuelle, on compte un nombre disproportionné de jeunes racisés dans le système de justice, et ce sont en particulier des enfants d’immigrants et d’immigrantes. Dans les centres de détention réservés aux jeunes, environ 70 % de la population est afro-caribéenne ou noire. Et ce sont presque tous des enfants de personnes qui viennent d’emménager au Canada », a-t-il précisé.

« Il est donc vraiment important de reconnaître qu’il se passe quelque chose au cours des cinq premières années dans le processus d’intégration. »

Soutenir les jeunes vulnérables

Lorsque Noël Bahliby a été invité à prendre la parole au Sommet de Calgary, il a auparavant fait des recherches sur la réalité actuelle du système sportif au Canada. Il a été fasciné par ce qu’il a appris.

« J’ai examiné et recensé les écrits, et constaté la validité des données probantes. Puis, j’ai rencontré des gens qui travaillent dans les différents milieux du système sportif, qu’il s’agisse des sports accessibles ou de ceux auxquels les jeunes immigrants et immigrantes ne participent généralement pas. J’ai les ai écoutés parler de leur sport comme étant plus accueillant pour ce groupe démographique. Tout cela a été une expérience vraiment puissante », s’est-il exclamé.

« J’ai ensuite vu à quel point l’énergie et l’enthousiasme étaient au rendez-vous, parce que je pense que beaucoup de gens comprennent que lorsque le sport est de qualité, cela peut vraiment avoir des retombées sur de nombreux aspects de la vie, autant sur la santé mentale que sur le bien-être des gens, qu’il s’agisse de la santé physique ou de l’état émotionnel. Pour les personnes nouvellement arrivées au Canada, le sport offre l’occasion de nouer des liens d’amitié. Même si on rencontre des gens à l’école et dans d’autres contextes, je crois qu’on sous-estime trop souvent cet aspect particulier lié à l’engagement sportif. »

Il a entendu parler à maintes reprises de l’importance de trouver un entraîneur, une entraîneuse ou une personne fiable comme mentore.

« Chez beaucoup de jeunes avec qui nous travaillons, ce qu’il leur manque le plus, c’est un parent solide. Ils n’ont pas de gens complètement disponibles pour les soutenir. Dans un contexte d’immigration, ce n’est pas nécessairement que les parents sont négligents. Le plus souvent, c’est qu’ils travaillent à des heures inhabituelles, et qu’ils occupent souvent plus d’un emploi. Ils ont de la difficulté à trouver un logement et à apprendre l’anglais pour améliorer leur employabilité, et ils ne sont pas nécessairement à la maison le soir. » 

Cela met les jeunes dans une situation précaire.

« Nos participants et participantes recherchent un sentiment d’appartenance. Ces jeunes ont besoin d’une personne pour les guider, et c’est de cet état de vulnérabilité dont profitent les gens malfaisants. Les recruteurs de gangs ne vont pas chercher les enfants qui sont bien élevés et qui ont un excellent filet de sécurité. Ils ciblent les enfants qui sont en réelle situation de difficulté. Personne ne s’occupe d’eux », a-t-il illustré.

Une fois que les enfants sont ancrés dans le milieu criminel, ils sont difficiles à atteindre. Quoi qu’il en soit, le programme Real Me demeure déterminé à les soutenir.

« Nous offrons du soutien psychologique, et nous pouvons leur offrir des services de consultation individuelle. Nous payons pour de la formation sur la gestion de la colère et pour d’autres cours, surtout ceux qui sont imposés par les tribunaux. D’ailleurs, pendant la pandémie, nous avons offert des services de consultation aux parents et avons constaté que beaucoup avaient vécu des traumatismes. Nous offrons un soutien prosocial pour payer les sports, les arts récréatifs et les frais d’équipement. Et nous faisons du mentorat qui ressemble à celui offert par l’organisme Grands Frères Grandes Sœurs », a-t-il expliqué. 

Enfants de troisième culture

Le programme Real ME n’est qu’un des programmes offerts par l’organisme Centre for Newcomers. Ce programme a vu le jour dans le cadre d’un projet pilote lancé en 2014 par le Département de travail social de l’Université de Calgary. Il a ensuite été complètement intégré à l’organisme Centre for Newcomers en 2018.

Noël Bahliby croit avoir accompli beaucoup de choses depuis, mais le travail ne manque pas. C’est que son mandat continue de s’élargir, et les besoins continuent d’augmenter. Des problèmes comme le manque de transport approprié et la crise du logement continuent de mettre les familles avec lesquelles ils travaillent dans une situation difficile, ce qui exacerbe les problèmes sociaux auxquels ils sont confrontés.

« Voici un terme que nous utilisons : les enfants de troisième culture. Leur culture n’est ni vraiment celle du Canada ni vraiment celle de leurs parents, elle est un amalgame des deux. »

L’un des principaux objectifs du centre est de faire en sorte que les jeunes se sentent en sécurité et soutenus.

« Les gens qui agissent comme mentors peuvent simplement venir et se concentrer à accorder toute leur attention à cette jeune personne. Une fois la relation tissée, ils peuvent profiter de la communauté, comme voir un film ensemble. Nous leur donnons des billets de cinéma. Certains enfants ne sont jamais allés au cinéma, au go-kart ou au mini-golf, alors c’est amusant pour les enfants et gratifiant pour les mentors », a-t-il affirmé.

« Bon nombre de nos mentors et mentorés ont entre 21 et 25 ans. Nous essayons de recruter des jeunes qui sortent de l’université parce que nous voulons quelqu’un qui peut parler de ses expériences. L’idéal, c’est même d’avoir des diplômés universitaires, parce qu’ils peuvent les encourager en leur disant : “J’ai réussi, j’ai obtenu mon diplôme. Alors toi aussi, tu le peux” ».

Pour plus de détails au sujet du programme Real ME, visitez le site centrefornewcomers.ca

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