Les voix du Mois de la fierté – Partie I

Le Mois de la fierté est l’occasion de célébrer chaque année la richesse de la diversité au sein de la communauté LGBTQ+. Au-delà des festivités et défilés habituels, le Mois de la fierté permet au grand public d’en apprendre davantage sur les points de vue et le vécu des personnes de toute identité sexuelle et de genre.

Cette année, Le sport c’est pour la vie a communiqué avec plusieurs membres de la communauté LGBTQ+ pour en apprendre plus sur leur relation avec le mouvement et l’activité physique. Bien qu’il s’agisse d’un mois de célébration, c’est aussi le moment de reconnaître les barrières historiques et actuelles qui subsistent, ainsi que la discrimination dont sont victimes de nombreux athlètes et participants.

Voici la première partie de deux articles recueillant leurs témoignages.

Brie Chartier

L’activité physique est carrément une question de vie ou de mort pour Brie Chartier, une femme trans qui a découvert l’escalade lors d’un cours de descente en rappel avec les scouts. L’escalade est depuis devenue une passion qui lui a donné la possibilité d’atteindre ses objectifs.

« C’est mon principal mécanisme de défense. Sans l’escalade, je ne serais même pas ici. À l’âge d’environ 20 ans, j’ai acheté un livre sur l’escalade et j’ai appris toute seule. À l’époque, j’étais encore dans le garde-robe, et j’ignorais moi-même ma transidentité, mais l’escalade m’a permis d’acquérir de la confiance en moi, parce que j’étais douée », a-t-elle expliqué à Le sport c’est pour la vie.

« C’était un défi que je m’étais lancé qui me permettait de me dépasser, mais aussi d’entrer dans un état zen et méditatif. Un niveau de défi approprié aide à trouver cet état d’apaisement, et c’était ma façon à moi d’échapper aux bruits dans ma tête », poursuit-elle.

Brie Chartier

Ensuite, Brie a commencé à pratiquer d’autres sports, dont la course à pied, le vélo de montagne et le ski. Après sa transition, elle a été ravie de trouver des communautés qui l’ont acceptée comme elle était, malgré la transphobie encore bien présente dans la société.

« Dans le monde du ski, je me suis sentie réellement incluse et cette expérience m’a beaucoup apporté. On m’a accueillie non pas comme la personne trans de service, mais comme femme qui profite de l’espace au même titre que toutes les autres femmes. J’ai été chanceuse de trouver de tels espaces et de savoir qu’ils existaient. Parfois, il suffit de revendiquer sa place pour que les gens nous accueillent. »

Cela dit, Brie soutient qu’il reste du travail à faire pour s’assurer que l’inclusion des personnes trans devienne la norme.

« Selon moi, l’accès au sport est primordial pour les enfants trans bien plus que pour les autres enfants, parce que tout le monde est différent et que tout le monde aspire à trouver un espace et une communauté. Il n’existe pas beaucoup d’autres choses qui sont accessibles pour tous les enfants. Il y a des événements intéressants, où la communauté queer se rassemble pour participer à une course ou un tour de vélo pour la fierté, ce qui permet aux gens de bouger et de renforcer leur sentiment d’appartenance à la communauté. J’aimerais qu’on organise ce genre de chose ici », affirme-t-elle.

« Je pense qu’il s’agit d’une occasion parfaite pour les sports organisés de réfléchir à des façons d’être plus accueillants et inclusifs à l’égard de la communauté queer, particulièrement envers les personnes trans et non conformes au genre qui font face à des obstacles dans le milieu du sport. Il y a beaucoup de petites actions qui pourraient être posées et qui pourraient aider à changer les choses. »

Selon Brie, un des meilleurs moyens de favoriser l’inclusion est de repenser l’organisation des installations. L’aménagement d’espaces privés pour permettre aux athlètes trans et non conformes au genre de se changer est un exemple d’initiative qu’elle souhaiterait voir mettre en place.

« Quand j’ai entamé ma transition, j’étais très mal à l’aise et je ne savais pas où était ma place et où je n’avais pas le droit d’aller. Je m’excusais de mon identité et je ne voulais pas faire de vagues, donc je me trouvais aussi mal dans les espaces désignés pour les hommes que ceux pour les femmes. Comme c’était difficile de trouver des installations où je me sentais à l’aise, j’ai arrêté d’aller m’entraîner pendant un bout de temps », explique-t-elle.

« Les personnes trans doivent sans cesse défendre leur droit de participer à des sports, ce qui est un stress constant. Je pense que c’est important, surtout pour les centres communautaires et les salles d’entraînement, de favoriser l’inclusion dans leurs politiques et d’accueillir ouvertement tout le monde. Ils doivent rédiger des déclarations indiquant que les personnes trans sont les bienvenues dans leurs installations, et le personnel sur place ainsi que les équipes doivent être mieux sensibilisées. »

Robin McGeough

Quand Robin McGeough pense à la façon dont le sport et l’activité physique a influencé sa vie, il se sent mitigé. Plus jeune, il a participé à des compétitions provinciales comme plongeur de tremplin, et aujourd’hui, il pratique la course en sentier et les ultramarathons. L’activité physique a été un cadeau inestimable pour lui et lui a procuré un sentiment d’appartenance à une communauté, mais auparavant, l’activité physique était synonyme d’intimidation.

« Lorsque je faisais de la compétition de plongeon au tremplin, j’ai été victime d’intimidation, non pas parce que j’étais gai, mais parce que j’étais efféminé, différent et pas aussi compétitif que mes compatriotes masculins. J’avais vraiment l’impression de ne pas pouvoir m’exprimer complètement dans cet espace-là et d’être accepté, alors c’était un peu une situation à double tranchant, parce qu’à bien des égards, c’était la plus belle période de ma vie, et à d’autres, c’était très difficile », s’est confié Robin à Le sport c’est pour la vie.

« J’en garde encore des complexes; quand j’entre dans un lieu où prédominent des hommes cis hétéros, je me sens encore comme un intrus. Si je sais que je me trouve avec des personnes queer ou de genres différents, je suis un peu plus à l’aise, parce que je n’ai pas besoin de m’expliquer. L’activité physique est une occasion formidable de se retrouver soi-même, et je crois fortement que les personnes queers doivent trouver un espace qui les accepte telles qu’elles sont. »

Robin McGeough

Lorsqu’il réfléchit au Mois de la fierté, Robin ne peut s’empêcher de penser aux modèles et aux aînés qui ont perdu la vie dans la pandémie du SIDA ou qui ont connu un destin tragique.

« Pour moi, le Mois de la fierté est l’occasion de regarder vers l’avenir et de devenir ce que nous aspirons à être, et de réfléchir à notre histoire et de prendre la mesure du chemin parcouru. Aujourd’hui plus que jamais, nous savons quelles personnes issues de la communauté LGBTQ+ n’ont pas la même chance que les autres ou ne sont pas entendues, particulièrement les personnes trans, les personnes de couleur et les personnes vivant avec un handicap », soutient-il.

“From a visibility standpoint, it’s great to see the world throw rainbow flags up but I’m always looking for ways we can do better, be more inclusive, and offer more opportunities and platforms to make sure everyone has a voice. Our role models died. We lost a huge swath of generations that should be speaking up, who aren’t here, and Pride Month is a chance to look at who those role models are that are still here and who we might not have heard from.”

Dans le monde du sport, Robin admire le skieur Gus Kenworthy, qui est homosexuel. Durant les Olympiques de 2014, il a embrassé son conjoint durant une émission en direct, après avoir remporté une médaille d’argent, un moment qui a eu un effet important sur Robin. Cela lui a donné espoir que les mentalités évoluaient et que la société accordait plus d’espace aux personnes queers. Il admire également Michael Sam de la NFL, et le coureur olympique Caster Semenya.

« Je ne suis pas amateur de sports en général, mais j’aime les athlètes qui utilisent leur plateforme pour promouvoir la visibilité et qui normalisent la vie des personnes queers, ainsi que les différentes façons de vivre sa sexualité et son genre », dit-il.

Robin estime qu’au cours de sa vie, la société est passée de l’ignorance et de la haine à l’égard des membres de la communauté LGBTQ+ à la volonté de les comprendre et de les accepter. Il considère toutefois qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour lutter contre la discrimination. Dans le cadre de son emploi à la Inter-Cultural Association de Victoria, il rencontre souvent des personnes trans qui ne peuvent pas trouver du travail en raison de leur expression de genre. Il a également remarqué que les femmes trans de couleur sont surreprésentées parmi les victimes d’agressions violentes. En ce qui concerne les organisations sportives, il veut des changements proactifs.

« Je crois qu’il est important d’aller au-delà des déclarations du genre “Nous accueillons tout le monde » et de dire « Nous sommes à l’écoute et nous pensons à vous ». Il ne suffit pas de lancer un appel général à l’inclusion, mais d’écouter ce que les communautés ont à dire sur la façon de créer des espaces plus sécurisants et des occasions plus authentiques », explique-t-il.

« En ce moment, les organisations sportives sont scrutées de toutes parts, et elles peuvent être très exclusives si nous ne faisons rien. J’ai vécu de l’intimidation, et j’étais réticent à l’idée de faire du sport pour cette raison, donc pour moi, la communication est la clé. Les parents doivent faire partie de la solution, nous avons besoin de modèles diversifiés, et nous devons dire aux enfants qu’il n’y a pas de mal à être soi-même et qu’il y a des gens qui nous défendront. »

Le maintien des enfants trans dans le sport lui tient particulièrement à cœur.

« Il ne faut pas dénigrer leur identité pour des raisons politiques, mais les laisser vivre et s’amuser. Si on établit des relations positives avec ces enfants-là et qu’on leur donne la chance de vivre une vie heureuse, ils et elles seront des modèles positifs pendant des années », dit-il.

« Si on met un arc-en-ciel sur notre site Web ou si on écrit un article de blogue sur le Mois de la fierté, il faut soutenir des politiques qui garantissent que notre organisation est inclusive. Il faut privilégier la neutralité, créer des espaces sécurisants pour les enfants de genres divers et réfléchir à ce que sont nos responsabilités pour créer un de tels espaces pour toutes les personnes, peu importe leur orientation sexuelle, leur identité de genre, leur expression de genre et leurs caractéristiques sexuelles. »

Sergio Lopez Ramos

Sergio Ramos a récemment quitté le Mexique pour venir s’établir au Canada, et, en tant qu’homosexuel, il entretient un rapport compliqué avec les sports organisés. Cette difficulté s’explique par la culture de masculinité toxique et de compétition agressive à laquelle il a été confronté à l’école. Il a aussi été témoin de l’homophobie généralisée autour de lui. Aujourd’hui, Sergio s’entraîne pour atténuer le stress et rester actif, mais se tient à l’écart des sports d’équipe.

« Au Mexique, quand on est enfant, il faut toujours jouer avec une équipe. On n’a pas d’autres choix. J’ai toujours haï ça. Je détestais la compétitivité et le besoin de se faire remarquer pour savoir qui est le meilleur joueur, qui est le plus rapide ou quoi que ce soit, et ça a eu pour effet de me désintéresser des sports. Quand il fallait former des équipes, j’étais toujours le dernier choisi, s’est-il confié à Le sport c’est pour la vie.

« Après un moment, je disais : “Je me fous de vos sports.”

Sergio Lopez Ramos

Il préférait plutôt les sports solos comme la natation et la course à pied. Depuis son arrivée au Canada, il va régulièrement à la salle d’entraînement, mais pas parce qu’il veut atteindre un idéal esthétique. Même s’il est sorti du placard et qu’il est épanoui, il s’inquiète de l’importance que beaucoup de personnes de la communauté gaie accordent à l’apparence. En tant que minorité visible, Sergio se sent souvent exclu, et ce même de la communauté LGBTQ+, en raison de la couleur de sa peau et de son apparence.

« Au Mexique, aux États-Unis et au Canada, j’ai été témoin de discrimination au sein même de la communauté LGBTQ+. Comme à l’école secondaire où il y a les petits bourgeois, les filles et les garçons les plus populaires, il faut obéir à certaines normes et c’est difficile de trouver sa place. J’habite à Victoria, qui est une ville très blanche; et quand je dis ça, je parle de la couleur de la peau, mais aussi de la culture », soutient-il.

« J’ai aussi des réticences envers la fierté, parce que je trouve ça très commercial. Les grandes entreprises récupèrent la fierté et en font un outil marketing pour cibler un nouveau public. Je comprends la démarche, mais je ne suis pas certain de ce que ces entreprises font réellement pour les droits de leur personnel queer. Elles sont peut-être d’accord sur le fait qu’on peut aimer qui on veut, c’est une bonne stratégie marketing, mais à l’interne, que font-elles vraiment? », s’interroge-t-il.

« À mon avis, la fierté devrait avoir un angle plus politique et il faudrait plus de mesures concrètes pour défaire les systèmes d’oppression auxquels nous faisons face. »

Alors, quand il s’agit de la façon dont les enfants entrent en contact avec le sport et l’activité physique à l’école par des programmes parascolaires, Sergio croit qu’on devrait leur donner plus d’autonomie.

« C’est difficile de répondre aux besoins de tout le monde, mais les enfants devraient avoir la liberté d’explorer ce qui les intéresse, quand bon leur semble. »

Ressources
Aller au contenu principal