La patience est la clé de l’identification et du développement des talents : la perspective d’un entraîneur olympique de trampoline

Selon l’entraîneur de trampoline olympique Dave Ross, il est rare qu’un entraîneur rencontre un vrai champion dans l’âme. En tant qu’expert en identification de talents, il a entraîné des milliers d’athlètes au niveau des clubs et en a vu quelques-uns se rendre en finale lors de six Jeux olympiques différents.

Les athlètes qu’il a personnellement entraînés ont remporté sept médailles olympiques. Bien qu’il reconnaisse que la capacité physique jouera toujours un rôle vital pour déterminer qui atteindra l’excellence, il affirme que les vraies différences se situent au niveau psychologique. Les jeunes entraîneurs recherchent l’athlète ayant le corps le plus performant, mais il faut du temps pour bien comprendre toute l’importance d’un bon esprit. 

 « Gagner, c’est atteindre des objectifs. En voyant une belle voiture, n’importe qui peut se dire : j’en veux une. Mais à quel point? Jusqu’au point d’aller voir combien coûte une Corvette d’occasion en bon état? Jusqu’au point de gagner tout cet argent pour ensuite le dépenser? La personne qui veut suffisamment la voiture se trouve dans un état d’esprit différent. Elle est investie d’une mission. Elle voit la voiture et trouve le moyen de s’en procurer une. Lorsque vous êtes en mission, la question n’est pas de savoir si mais plutôt quand et comment vous y parviendrez », illustre Dave Ross en entrevue avec Le Sport c’est pour la vie.

Très tôt dans sa carrière, il en est venu à l’évidence que le Canada n’allait pas battre l’Union soviétique de l’époque (aujourd’hui, ce serait la Chine) en ayant plus d’athlètes ou plus d’argent. De nombreux entraîneurs recherchent des athlètes bien équilibrés et entraînables. Il recherchait des chevaux de course, mais aussi des talents périphériques dotés d’une motivation à toute épreuve. 

« Il peut n’y en avoir qu’une poignée, mais ils peuvent en valoir la peine. L’identification des talents est aussi essentielle que le développement des talents. J’aimerais que notre pays ait la capacité d’orienter les plus talentueux vers les sports où ils sont le plus susceptibles d’exceller », dit-il.

Chaque athlète peut suivre une trajectoire radicalement différente, et les entraîneurs doivent être préparés à cette éventualité. Au fil des ans, Dave Ross a vu le fonctionnement des structures de financement et constaté comment la courbe prédictive sur laquelle s’appuient les administrateurs exclue involontairement de futurs médaillés potentiels. Par exemple, la première Canadienne à remporter une médaille aux championnats du monde de trampoline, en 1982, a commencé le trampoline à l’âge de 16 ans! De nos jours, un tel scénario serait plus improbable, bien que le trampoline soit un sport olympique avec un certain financement.

« Les administrateurs prennent des décisions sur la façon de dépenser l’argent du sport, alors ils analysent les médaillés pour déterminer comment ils y sont parvenus. Ils créent un profil de la médaille d’or. À chaque âge, l’athlète doit avoir atteint certaines étapes. Celui qui ne suit pas la courbe est écarté. À 10 ou 12 ans, l’athlète était assez bon, mais maintenant qu’il se retrouve hors de la courbe, il n’obtient pas de financement », explique-t-il. 

« Les administrateurs croient qu’il existe une recette pour produire un champion. Ce n’est pas aussi facile que cela. Bien souvent, les athlètes ne suivent pas une courbe. Ils dévient, descendent, remontent. Si l’on suit une formule, des athlètes prometteurs risquent de passer au travers des mailles du filet. Chaque champion trace sa propre voie. » 

Ultimement, Dave Ross croit qu’il faut soutenir les athlètes dans le parcours qu’ils se tracent eux-mêmes. Son approche lui a valu des éloges de la part de Heather Ross McManus, qui a reconnu son travail lors du récent webinaire intitulé « Talent Development: A Slow Cooker not a Pressure Cooker!: Cultivating an Environment for Learning ». Elle a qualifié les entraîneurs comme Dave Ross de « marchands de rêves » qui convainquent les athlètes de croire en leurs propres capacités.

En trampoline, le premier grand obstacle qui empêche les débutants de devenir des athlètes est la peur. Les entraîneurs doivent maîtriser les progressions, les méthodes de repérage et les manières d’entraîner afin d’aider les athlètes à surmonter leurs craintes. Le deuxième grand obstacle, celui qui sépare les athlètes des champions, c’est la conviction qu’on peut réussir. Bâtir sa confiance en soi est primordial, les entraîneurs devraient donc inculquer cet élément à leurs athlètes dès le début. 

« Mon objectif était de trouver des personnes talentueuses et de les garder dans le gymnase assez longtemps pour qu’elles réussissent. Un bon entraîneur, c’est comme un bon parent. Aux jeunes athlètes, il faut donner des règles, mais avec le temps il faut leur donner l’espace nécessaire pour qu’ils deviennent plus indépendants. Leur poser des questions pour les faire réfléchir. Leur donner de l’espace* pour qu’ils se motivent eux-mêmes. Je pense avoir réussi dans ma carrière parce que j’ai responsabilisé mes athlètes. Avec le temps, ils deviennent le porteur du ballon. Je ne suis pas le patron, je suis le mentor. C’est l’athlète qui mène la barque. Pour réussir sur la scène mondiale, un athlète vedette doit être bien sorti du nid et capable de voler de ses propres ailes », déclare-t-il.

« Une bonne relation athlète-entraîneur est cruciale. Les ingrédients clés sont la confiance et le respect mutuels, avec l’honnêteté comme pierre angulaire. Theodore Roosevelt disait, « les gens ne sont pas intéressés à ce que vous savez jusqu’à ce qu’ils sachent que vous vous intéressez à eux. »

* Dave Ross à propos de « l’espace »: « Personne ne souhaite avoir 13 ans à nouveau. Lorsque les athlètes traversent la puberté, ils passent également du désir de plaire aux autres à l’autonomie. Entre les deux, ils essaient d’éviter de faire ce qu’on leur dit, mais ne savent pas non plus ce qu’ils veulent. Je préférerais qu’un tel athlète perde un an ou deux dans ce désert de motivation plutôt qu’un entraîneur autoritaire intervienne et lui donne des ordres. Cette approche risque de lui faire détester le sport et son entraîneur, et ne l’aide pas à se motiver. » 

RÉSUMÉ

Développement des talents

– Devenez un expert en polissage – apprenez comment aller chercher les derniers 10 % de tous vos meilleurs athlètes. Cet élément est indispensable lorsque vous rencontrez les plus talentueux. 

– Cultivez la motivation et la confiance en soi. Commencez dès le premier jour. Les athlètes doivent avoir la conviction que gagner est possible. 

– Donnez du pouvoir à vos athlètes. 

– Soyez un marchand de rêve sans fixer d’objectifs impossibles. Lorsque vous travaillez avec un athlète vedette, soulignez que son succès repose sur son travail acharné et que faire quelque chose qui n’a jamais été fait auparavant n’est qu’une simple progression, pas de la folie. (Répétez après moi : « Oui coach, vos délires deviendront mes réalités. ») 

Identification des talents

– Recherchez des talents périphériques qui sont exceptionnels dans leur passion pour le sport, leur courage, leur intelligence, leur force et leur coordination. 

– Ils doivent être investis d’une mission, ou affamés d’atteindre les plus hauts sommets.

– Attendez-vous à des différences! – Chaque champion trouve sa propre voie et contribue à sa manière, souvent de façon inattendue. Il n’y a pas de formule prédéfinie (et passez le mot aux administrateurs!).

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