Un programme d’ultimate crée des occasions de connexion transformationnelle pour les participants autochtones
Un frisbee peut-il être un outil de réconciliation ?
Lorsqu’il s’agit du programme Ultimate Spirit, les ambitions des organisateurs vont bien au-delà d’un simple divertissement. En effet, ils souhaitent établir des relations durables avec les communautés autochtones et créer des occasions pour les joueurs de recevoir un mentorat afin qu’ils assument des rôles d’entraîneurs.
« Notre vision est de créer des liens transformationnels avec les communautés autochtones et non autochtones, le véhicule étant l’ultimate », a déclaré Jimmy Roney, coordonnateur du programme de la BC Ultimate Society (fédération d’ultimate de Colombie-Britannique).
« Nous créons des liens au sein de la communauté, et lorsque la confiance est établie, cette communauté en parle à une autre communauté, permettant ainsi de renforcer le sentiment de confiance. Ce processus est très important, car la seule façon de grandir est en développant la confiance. »
Le succès du programme, en place depuis 2017, repose en partie sur le parcours de développement à long terme des participants autochtones (DLTPA), une ressource qui sert de référence à ceux qui travaillent avec des participants autochtones dans le domaine du sport et des loisirs.
Le parcours de DLTPA est né de la conviction que les modèles classiques de développement du sport ne correspondent pas nécessairement aux besoins ou aux expériences des populations autochtones. Ce parcours tente de combler cette lacune en décrivant les éléments clés qui doivent être pris en compte lors de la planification, de l’élaboration et de la mise en œuvre de programmes pour et par les peuples et les communautés autochtones.
Ultimate Spirit intègre un certain nombre de pratiques culturelles autochtones dans ses programmes. Les cercles de partage que l’organisation organise avec ses participants s’apparentent aux cercles de partage autochtones, et les joueurs ont pour habitude de manger ensemble. Comme les compétitions rassemblent des joueurs autochtones et non autochtones, le partage culturel fait partie intégrante de l’expérience.
Un autre élément d’inclusion important pour Ultimate Spirit est l’équité entre les sexes, puisque tous les niveaux du programme sont mixtes.
« Cela permet de développer la confiance et les liens entre les membres des deux sexes et de faire comprendre la notion d’égalité des sexes. Le message envoyé aux gens lorsqu’ils pratiquent l’ultimate mixte est que les individus de tous les sexes sont égaux, bienvenus et appréciés », peut-on lire sur leur site web.
« L’ultimate crée des relations positives entre les gens en supprimant la barrière du genre et en se concentrant sur chaque personne en tant que participant, joueur et athlète ».
Façonner la prochaine génération
Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé, BC Ultimate n’a jamais cessé son travail.
Dans le cadre d’un processus d’intégration du parcours du DLTPA, ils ont pu continuer à développer un programme basé sur le travail et l’expérience qu’ils menaient déjà en partenariat avec le I-SPARC et les communautés autochtones, en s’appuyant sur la relation et la confiance qu’ils avaient établies avec eux précédemment.
Lorsque le temps est venu d’organiser un atelier sur le DLTPA et de discuter de la meilleure façon de soutenir BC Ultimate et Ultimate Spirit, les organisations ont pu se lancer directement dans le travail. Kim Leming, responsable des parcours des participants et de la formation à la sécurité culturelle autochtone au I-SPARC (Indigenous Sport, Physical Activity and Recreation Council), a été impressionnée par le niveau de préparation de ces organisations : elles avaient déjà franchi les premières étapes, ce qui signifiait qu’elles pouvaient passer à la planification des actions et se concentrer sur l’obtention des ressources nécessaires pour soutenir les entraîneurs.
« Beaucoup de dirigeants du milieu sportif connaissent le développement à long terme du sport et de l’activité physique (DLTAP). L’idée était donc de présenter les composantes du DLTAP qui se rapportent à l’histoire commune du Canada et des peuples autochtones », a déclaré Mme Leming.
« Le premier jour est consacré à la sensibilisation aux lacunes et aux obstacles invisibles que les responsables travaillant avec les populations autochtones n’ont pas encore pris en compte. Le DLTAP fournit un point de départ, en identifiant où nous en sommes et comment nous pouvons encourager les populations autochtones à être actives et à s’initier au sport ».
Pour ce faire, les dirigeants sportifs doivent avoir une compréhension de l’histoire autochtone, transmise par le biais de l’apprentissage expérientiel.
« L’activité des couvertures de KAIROS peut être une expérience révélatrice à plusieurs niveaux. Nous espérons que cette expérience ouvrira les yeux et le cœur des dirigeants sportifs présents à la table. Cela leur permet d’avoir un petit aperçu et de comprendre pourquoi certains participants autochtones ne s’engagent pas dans leur programme ou leur sport. Nous pouvons alors entamer des conversations et travailler sur le plan d’action et le suivi avec le mentorat ».
Connexion durable et impact à long terme
Pour instaurer le changement durable auquel aspire Ultimate Spirit, il faut un engagement plus important que celui auquel certaines organisations sportives sont habituées, selon Mme Leming.
« Il est important que les participants autochtones participent au programme. Nous avons vu des programmes qui étaient mis en place pour une ou deux semaines, mais qui quittaient ensuite la communauté sans que celle-ci ait la possibilité de maintenir le programme. Nous encourageons les organisations sportives provinciales (OSP) à créer des programmes communautaires durables, or établir la confiance avec la communauté prend du temps. C’est un processus continu. Il ne s’agit pas de simplement cocher une case », a-t-elle déclaré.
« Avec BC Ultimate, nous voyons le potentiel d’un lien durable et d’un impact à long terme.
Le travail se fait d’abord au niveau des OSP, de sorte que ce sont ces dirigeants qui apportent un changement systémique au sein du système.
« Les OSP travaillent également avec leurs sphères d’influence, de sorte que la participation autochtone se fait à tous les niveaux de leur organisation, y compris au niveau des entraîneurs, des officiels, des athlètes, etc. Utiliser le sport comme vecteur de changements sociaux et systémiques, c’est ce que je considère comme le travail de réconciliation », a-t-elle déclaré.
« Le travail accompli par les OSP comme BC Ultimate en Colombie-Britannique est important et peut changer la vie des gens.
Un programme autosuffisant
Le travail visant à assurer l’inclusion des autochtones est effectué par de nombreuses organisations sportives, mais, selon Mataya Jim, responsable des initiatives autochtones chez Le sport c’est pour la vie, BC Ultimate et Ultimate Spirit se distinguent des autres, en grande partie grâce à l’influence de Jimmy Roney.
« Après l’atelier sur le DLTAP, nous avons organisé des séances de mentorat avec des représentants d’Ultimate, Le sport c’est pour la vie et I-SPARC, dans lesquelles nous avons travaillé ensemble et créé un cadre pour la mise en œuvre du DLTAP au sein du sport. Pour ce qui est BC Ultimate, nous avons mis au point la partie consacrée à l’intégration des entraîneurs », a-t-elle déclaré.
« L’engagement de BC Ultimate et les relations qu’il entretient avec la communauté lui permettent de disposer des outils nécessaires à la création d’un programme autochtone autosuffisant et géré par la communauté. Le processus DLTAP établit la feuille de route pour la mise en œuvre des outils dont disposait BC Ultimate ».
Roney était ravi de voir que l’atelier sur le DLTAP a attiré des représentants de la Vancouver Ultimate League et de BC Ultimate, ainsi que des membres d’Ultimate Spirit. Une vingtaine de personnes ont participé à l’atelier et il a déclaré que l’expérience avait « vraiment donné forme à notre programme ».
BC Ultimate a également créé trois ressources, dont un guide du programme communautaire présentant le programme aux lecteurs, et deux PDF intitulés Fun with Flying Discs et Intro to Basics – Self & Team Identity. Ces ressources s’appuient sur cinq valeurs, avec des liens avec la langue autochtone. Ces valeurs, notamment la croissance, la communauté, la connexion, l’inclusion et l’esprit sont inscrits sur les chandails de tous les participants. Selon Alex Wilson, directrice principale des initiatives stratégiques chez Le sport c’est pour la vie, il s’agit d’un élément crucial de leur succès.
« Les parents voient ces chandails dans la communauté et cela témoigne de la fierté qu’ils éprouvent pour leur culture et leur communauté. BC Ultimate a des objectifs élevés pour soutenir la présence d’un parcours autochtone par le biais du sport dans la province », a-t-elle déclaré.
« C’est plus que juste du sport ; c’est apporter quelque chose à la communauté et soutenir la réconciliation d’une manière que d’autres sports ne font pas ».
Alliance et antiracisme
Le travail pour mettre en place le programme de mentorat au sein de BC Ultimate a été accompli en décembre 2022 ; pour les joueurs, ce n’était que le début ! Des joueurs d’élite non autochtones ont participé à un rassemblement communautaire dans la nation Lil’wat (près de Pemberton), où la communauté a préparé un barbecue pour tout le monde sur son territoire. L’équipe a également facilité la traduction des termes relatifs à l’ultimate dans les langues autochtones. Pour M. Roney, le travail se poursuit.
« Nous pensons qu’il est très important que toute personne intégrant le programme ait une meilleure compréhension de notions telles que l’antiracisme, l’humilité culturelle et l’alliance. Nous avons piloté ce travail avec les équipes universitaires d’ultimate de l’Université de Victoria (UVic) et la nation W̱SÁNEĆ, et nous avons créé une relation symbiotique avec les participants et l’équipe de l’UVic », a-t-il déclaré.
« La partie du DLTAP était axée sur la manière dont les parcours autochtones et non autochtones pouvaient travailler ensemble. »
Leurs joueurs sont devenus des catalyseurs de changement au sein de leur communauté. Par exemple, huit joueurs de l’équipe Ultimate Spirit ont participé à un camp aux États-Unis destiné aux personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC).
« Nous utilisons le terme de jeunes mentors, et les jeunes du programme Ultimate Spirit emportent leurs expériences vécues avec eux dans tous les aspects de leur vie ».
L’un des mots en langue SENĆOŦEN qu’il a appris de ses joueurs est « WUCISTENEK ».
« Cela signifie ‘professeur’. Mais je me sens plus comme un élève. », affirme M. Roney.