Les voix du Mois de la fierté – Partie II

Le Mois de la fierté est l’occasion de célébrer chaque année la richesse de la diversité au sein de la communauté LGBTQ+. Au-delà des festivités et défilés habituels, le Mois de la fierté permet au grand public d’en apprendre davantage sur les points de vue et le vécu des personnes de toute identité sexuelle et de genre.

Cette année, Le sport c’est pour la vie a communiqué avec plusieurs membres de la communauté LGBTQ+ pour en apprendre plus sur leur relation avec le mouvement et l’activité physique.

Bien qu’il s’agisse d’un mois de célébration, c’est aussi le moment de reconnaître les barrières historiques et actuelles qui subsistent, ainsi que la discrimination dont sont victimes de nombreux athlètes et participants.

Voici la première partie de deux articles recueillant leurs témoignages.

Nick Hastie

Quand Nick Hastie était un jeune athlète, il avait l’impression que c’était tabou de parler de sexualité. Personne ne lui a jamais demandé s’il était gai ou pas, et il n’en parlait pas non plus. Au lieu de cela, il s’est engagé dans des compétitions sportives au plus haut niveau possible, dans l’espoir que ses performances lui procureraient un sentiment d’appartenance. Ce n’est que bien des années plus tard, après avoir participé à une compétition à titre de triathlonien de haut niveau et avoir commencé à fréquenter un garçon, qu’il a finalement été capable d’exprimer cette partie-là de son identité. Aujourd’hui, Nick travaille comme coordonnateur principal de la littératie physique et du transfert de connaissance à Le sport c’est pour la vie, et il se sent à l’aise d’être lui-même.

« Quand j’étais plus jeune, personne ne m’a vraiment parlé du sujet avant que je devienne un athlète de haut niveau. À l’époque, j’avais l’impression que le sport me permettait bizarrement de m’affirmer en tant qu’homme, parce que je pensais que si je pouvais courir, patiner ou nager aussi bien que n’importe quelle personne hétéro, on me respecterait davantage ou on me traiterait d’égal à égal », explique-t-il.

« Lorsque je participais à des compétitions de triathlon à l’international, il n’était pas question que l’on connaisse mon orientation par la façon dont je courais, comme si on allait dire : “Tiens, c’est un homme gai qui court”. Je n’avais pas honte, mais je n’avais pas de place pour ça dans ma vie. Ce qui m’intéressait, c’était le triathlon, pas les garçons. J’avais aussi l’impression de devoir tenir compte de l’aspect politique à ce niveau sportif, et de penser à la sélection des équipes et aux commanditaires. Mais dès que j’ai arrêté de subir cette pression-là, je me suis senti de plus en plus à l’aise, jusqu’à pouvoir affirmer que j’aime qui je suis et d’être homosexuel est un aspect de mon identité parmi d’autres. »

En grandissant, Nick a appris que Mark Tewksbury, nageur olympique, était homosexuel. Le fait de voir cette idole canadienne remporter des médailles d’or était encourageant.

« Ce qui était formidable, c’est qu’il était au sommet de son art. Il n’était pas seulement un homme gai qui faisait du sport de compétition, mais un homme gai qui excellait à son sport. Ça m’a fait réaliser que les personnes homosexuelles pouvaient gagner des médailles aussi. »

Chaque année, à l’approche du Mois de la fierté, Nick est heureux d’avoir l’occasion de célébrer avec sa communauté et constater à quel point l’acceptation des diverses sexualités et identités de genre a fait du chemin durant sa vie. Dans le passé, il a été membre d’équipes sportives LGBTQ+ et a participé au défilé de la fierté de Vancouver, et il est reconnaissant de vivre dans un pays où de telles initiatives peuvent avoir lieu.

« Je crois que c’est important que de telles choses existent, et j’aime qu’elles apportent différentes intersectionnalités. Les entreprises parlent beaucoup de la fierté, ce qui apporte beaucoup de visibilité et d’attention. Il y a des sports gais, et toutes sortes d’initiatives lesbiennes ou trans, et c’est une belle occasion de montrer aux gens que nous sommes comme tout le monde et que nous existons dans plein de secteurs de la société », explique-t-il.

« Une des raisons principales pour lesquelles nous célébrons la fierté, c’est que nous réalisons à quel point nous avons la chance à Vancouver de pouvoir ressentir de la fierté par rapport à qui nous sommes; nous pouvons danser en costume de bain Speedo comme bon nous semble, alors que dans d’autres pays du monde, les gens n’ont pas autant de liberté. Ainsi, chaque année, on se rappelle à quel point nous avons de la chance de vivre dans un environnement somme toute bienveillant. »

Somme toute, Nick pense qu’il y a plus à faire pour promouvoir l’inclusion dans les organisations sportives et la société en entier, tout particulièrement auprès des personnes transgenres.

« Je suis curieux de voir comment tout cela va évoluer, parce qu’il y a encore tant à faire en ce qui concerne les réglementations, comme les vestiaires, par exemple, et qu’il faut réfléchir à la façon d’inclure toute cette communauté-là. Selon moi, lorsque les gens déménagent dans une autre ville et vont se renseigner sur un sport, même s’il ne s’agit pas d’une équipe LGBTQ+, le site Web de l’organisation devrait en parler, un peu comme certaines entreprises ont un onglet sur le développement durable. Cet élément devrait faire partie intégrante de l’information sur n’importe quel sport », ajoute-t-il.

« Il pourrait s’agir simplement d’inclure du contenu sur le site Web ou la page d’inscription indiquant que l’organisation accueille les membres de la communauté LGBTQ+, ou un autocollant de la fierté sur les portes de l’installation. Selon moi, c’est important que les organisations sportives disent que leur sport est sécuritaire pour les membres de la communauté LGBTQ+; cela devrait être la norme. À l’échelle provinciale ou nationale, dans le cadre du développement à long terme, il devrait y avoir une stratégie mise en place afin d’inclure les athlètes LGBTQ+. Tout le monde doit se faire à la réalité que les personnes homosexuelles et trans vont vouloir pratiquer un sport et poursuivre leur pratique, peu importe le niveau et le contexte, donc c’est important de leur transmettre un message d’ouverture et de les accueillir. »

Laura Edwards

Même si Laura Edwards n’a pas révélé son identité queer ou non binaire avant d’atteindre l’âge adulte, ses expériences du sport à l’enfance ont été solitaires et aliénantes. Même si Laura se présentait comme traditionnellement femme, la participation aux sports à l’école provoquait chez iel un sentiment d’exclusion.

« D’après mon expérience dans des contextes d’équipe, l’homophobie est omniprésente dans le milieu du sport. Les gens se servent des personnes LGBTQ+ pour faire des blagues et les rabaisser, alors plutôt que de supporter cela, j’ai toujours privilégié les sports individuels, qui me laissaient le contrôle et me donnaient la possibilité de gérer mon horaire. C’est pour cette raison que j’aime beaucoup le triathlon », a révélé Laura à Le sport c’est pour la vie.

Laura vient d’une petite ville en Alberta, et d’un milieu où les personnes gaies et lesbiennes subissaient une forte discrimination durant leur jeunesse. À l’époque, les personnes trans et non binaires n’étaient pas vraiment dans le radar social, même si Laura se souvient avoir entendu des insultes à l’encontre de personnes non conformes au genre. Iel pense que les personnes bisexuelles étaient particulièrement incomprises, même par la communauté queer, parce que l’on considérait qu’elles pouvaient « se fondre dans la masse » ou qu’elles voulaient simplement « attirer l’attention ».

Laura Edwards

« Ce n’est qu’au cours des dix dernières années environ que les gens ont réellement reconnu l’existence des personnes non binaires. Ç’a été difficile pour moi parce que je suis très invisible, très femme. Les gens supposent que je suis suis hétéro. On dirait que la plupart des gens pensent que pour être non binaire, il faut être complètement androgynes, avoir une apparence masculine et changer son nom », déclare Laura.

« Quand je dis que je suis non binaire et que je préfère certains pronoms, cela peut créer des moments pénibles et inconfortables. Chaque fois, je dois penser aux conséquences possibles du fait de corriger les gens lorsqu’ils font une erreur sur mon genre et sur ce que je pense pouvoir gérer à ce moment-là. Je dois décider si je lâche prise et que je laisse les gens utiliser les mauvais pronoms – ce que je fais souvent – ou faire face aux réactions négatives potentielles. Je dois me demander : “Est-ce que les gens vont être ouverts ou est-ce que je vais plutôt avoir droit au roulement d’yeux, aux regards de travers ou aux questions intrusives?” »

En matière de sport, Laura pense que les organisations doivent adopter une politique de tolérance zéro pour les remarques discriminatoires, et faire preuve de plus de sensibilité à l’égard des pronoms.

« On a l’impression qu’il n’y a pas de place pour les personnes non binaires dans le milieu du sport, parce qu’elles ne s’identifient ni comme homme ni comme femme et qu’il n’existe pas d’autres catégories. Il y a une compétition de triathlon qui comporte une catégorie non binaire, mais cela implique qu’on n’obtient pas de résultats, et qu’il faut donc accepter de ne pas gagner », affirme Laura.

« Nous pourrions en faire plus pour accueillir les personnes trans et non binaires. En ce moment, les sports sont automatiquement exclusifs et ce système dissuade les gens d’y participer. Je n’aime pas qu’on me désigne par un genre auquel je ne m’identifie pas et qu’on m’associe au genre féminin, mais je ne me laisse pas abattre. Pour d’autres personnes, ces situations les bouleversent tellement qu’elles ne peuvent pas pratiquer le sport en question et composer à la fois avec ce genre de remarque. Le sport devrait accueillir tout le monde, et en ce moment, ce n’est pas le cas. »

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